Brune / Blonde – Cinémathèque française
Ornée, épinglée, lâchée, voilée, dévoilée, brossée : nul besoin d’être un ardent cinéphile – encore moins un fiévreux fétichiste – pour reconnaitre que la chevelure féminine est l’un des motifs essentiels du cinéma. Depuis toujours. Surtout lorsque le 7e art s’applique à explorer la sphère du désir et les vertiges de l’amour.
Personne n’a oublié la scène enchantée de Gilda – « Put the blame on mame »…– lorsque Rita Hayworth rejette sa voluptueuse rousseur en avant, révélant à la dérobée sa nuque ô combien érotisée. Pourtant, le film de Charles Vidor est en noir et blanc et date de 1946. Personne, non plus, n’a oublié les chignons corsetés de Kim Novak, Tippi Hedren ou Grace Kelly, blondes sensibles des thrillers épatants de perversité d’Hitchcock ! Le fait est qu’aujourd’hui, aussi bien Pedro Almodóvar que David Lynch, pour ne citer qu’eux, accordent aux cheveux de leurs héroïnes – leur forme, leur matière, la grâce de leur mouvement – la même attention… symbolique. Et Godard, et Bunuel, et Billy Wilder, et tant d’autres avant eux !
L’exposition « Brune/Blonde » proposée à la Cinémathèque française par Alain Bergala, ancien critique aux Cahiers du cinéma, réalisateur et enseignant, est donc pour le moins légitime et tentante. D’autant plus que sa scénographie a été confiée à Nathalie Crinière : ça ne s’invente pas ! Cela étant, c’est moins cette mise en espace – plus abstraite qu’incarnée, peu sensuelle au fond – qui séduit que son contenu. Certes, on appréciera au gré de ses déambulations, l’image fil rouge de la sublime Shu Qi, dans ce rêve flottant qu’est Millenium mambo, le film alchimique (et chimique !) de Hou Hsia Hsien. Un gimmick en forme d’invitation, mouvante et émouvante : bien vu ! Et l’on saluera les micro-salons de coiffure alternatifs (méditerranéen, africain, asiatique), qui ponctuent fort heureusement cette promenade, plus pédagogique que ludique, essentiellement dédiée aux actrices (Jean Harlow, Lana Turner, Marilyn Monroe, BB, Catherine Deneuve…) et à la blondeur. Forcément.
Thèmes et histoire
Car de fait, le cinéma, art du XXe siècle, a quand même largement contribué à imposer ce modèle dominant – blondes et hyper blondes – né à la fin du XIXe dans les pays nordiques, puis récupéré par Hitler, avant de contaminer le star-system d’Hollywood mais aussi le cinéma de propagande soviétique ! C’est l’un des bonus de cette expo, d’ailleurs, que d’avoir su se diviser en cinq parties thématiques – claires, foisonnantes de documents et d’images, en mouvement ou pas – sans occulter pour autant les repères chronologiques. Ainsi, cette obsession de la blondeur : au gré des décennies, on voit bien, ici, qu’elle oscille entre innocence (l’épouse et la mère modèle) et tentation (la vamp). Un « impérialisme aujourd’hui en recul », affine avec pertinence le commissaire de l’exposition, Alain Bergala, « métissages et changements d’équilibres géo-politiques » obligent.
Idem pour la longueur des cheveux, ondoyants ou pas. Le XXe siècle ayant aussi été celui de l’émancipation féminine (au moins en Occident), la coupe courte, comme la coupe afro, deviennent dès lors une façon d’affirmer un refus. Là encore, le cinéma affiche en premier la « couleur », puisque sa puissance d’attraction (démultipliée par la pub et la mode) créée bien souvent les nouveaux archétypes, avant qu’ils ne s’incarnent dans la rue. Merci Louise Brooks et merci Jean Seberg, ravissantes pionnières !
En fin de compte, en dévoilant mythes, styles et scénarios, cette exposition modère probablement un peu les mystères et les subtiles variations qu’évoquent d’ordinaire chevelures et actrices sur grand écran. D’où, sans doute, un léger sentiment, paradoxal, de désacralisation. Décortiquer le désir est un exercice bien périlleux pour qui aime rêver et fantasmer ! Surtout dans un cadre assez peu inspiré. Toutefois, en montrant finement les interactions que le cinéma entretient avec les autres arts (la peinture, notamment), elle témoigne, en parallèle, de la richesse, du foisonnement de cette thématique… Qui est loin d’avoir dit son dernier mot (confer le cinéma iranien d’aujourd’hui, qui « joue » à cache-cache avec le voile et les diktats de la religion). Alors ? Représenter ou dire, suggérer ou expliquer, faut-il choisir ? Pas plus qu’entre « brune » et « blonde », assurément !
Ariane Allard
Brune / Blonde
Du 6 octobre 2010 au 16 janvier 2011
A noter la diffusion, le 28 novembre sur Arte, à 22h10, du documentaire d’Alain Bergala, “Brunes et blondes”, qui raconte les principales aventures de la chevelure au cinéma.
Du lundi au samedi de 12h à 19h, nocturne le jeudi jusqu’à 22h.
Dimanche de 10h à 20h. Fermeture le mardi.
Plein tarif : 8 € / Tarif réduit : 6,50 € / Moins de 18 ans : 4 €
Forfait Atout Prix ou Carte CinÉtudiant : 5,5 € – Libre Pass : Accès libre
Forfait expo + film ou expo + Musée : 10 €
La Cinémathèque française
51, rue de Bercy
75012 Paris
M° Bercy
[Visuels : Penelope Cruz ; Étreintes brisées, Pedro Almodovar, 2009 © photo Emilio Pereda et Paola Ardizzoni / El Deseo ; conception graphique Lot49 / Cinémathèque française]
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