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Quand Boris Charmatz nous invite à « Manger »

1 décembre 2014
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Manger

De Boris Charmatz

Avec Or Avishay,
Nuno Bizarro,
Ashley Chen,
Olga Dukhovnaya,
Alix Eynaudi,
Julien Gallée-Ferré,
Peggy Grelat-Dupont,
Christophe Ives,
Maud Le Pladec,
Filipe Lourenço,
Mark Lorimer,
Mani A. Mungai,
Matthieu Barbin et
Marlène Saldana

Du 29 novembre au 3 décembre 2014

Tarifs : de 18€ à 30€

Réservation par tél. au
01 42 74 22 77

Théâtre de la Ville
2, pl du Châtelet
75004 Paris
M° Châtelet

www.theatredelaville-paris.com


Et aussi :

Les 9 et 10 décembre 2014 au Künstlerhaus Mousonturm, Frankfurt am Main, Allemagne

Le 27 janvier 2015 à l’Espace Malrau, Chambéry

Le 29 avril 2015 au Grand théâtre de Lorient

Du 29 au 3 décembre 2014

Boris Charmatz revient au Théâtre de la Ville, mettant en scène une activité aussi quotidienne que symbolique: “Manger”. Acte physique autant qu’acte artistique, l’ingurgitation devient à la fois abstraction et affirmation de chacun des quatorze interprètes. Charmatz, directeur du CCN de Rennes, appelé “Musée de la danse”, signe ici une nouvelle pièce-manifeste.

Manger, c’est se faire plaisir, ou au moins, satisfaire un besoin vital. L’acte de se nourrir, culturellement sublimé et socialement valorisé selon les cultures, a un peu perdu de ses lustres, avec l’arrivée massive des enseignes du fast food.

Dans le monde de la danse, la tentation s’est manifestée ces dernières années d’associer spectacle et cuisine. Mais Boris Charmatz entend bien “Manger” autrement, dans la déconstruction des saveurs.

Dans “Manger”, les danseurs mâchent du papier, et ces feuilles ne sont même pas rondes comme à l’église, mais carrées comme au bureau et sans couleurs, probablement sans variation des saveurs. Mais le rite existe, « Manger » affirme bien un côté culte.

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Il s’agit donc de papier révélateur, presque au sens photographique du terme. Il met en scène l’acte de mâcher, vu comme déclencheur de fonctions corporelles, de conversations et de mouvement.

foto-ursula-kaufmann-img_8795Manger des pages blanches, est-ce déjà écrire? En danse, oui. C’est écrire un manifeste. L’écriture du mouvement chorégraphié a tout sauf l’habitude de partir de la bouche. Et quand la bouche s’affirme, c’est en parlant ou en crachant.

Manger est toujours pareil, et pourtant chaque fois différent, comme ici chaque danseur fait la même chose, mais chacun à sa manière. Le spectacle peut en prendre un aspect contemplatif, presque méditatif.

Manger est un acte de transformation énergétique et biochimique, matérielle et psychique auquel correspond un jeu avec le mouvement et la parole. Manger et parler sont deux activités qu’on aime associer, d’autant plus qu’elles s’excluent à priori.

foto-ursula-kaufmann-j09a7548Manger est une activité traversée par l’être entier, ses névroses, ses joies, ses angoisses. Il y a l’anorexie, la boulimie, le fait de manger ses ongles, ses cheveux, l’envie de s’avaler soi-même ou bien l’autre. Montre-moi comment tu manges, et je te dis qui tu es.

Charmatz n’en est pas à son premier essai de spectacles à grand effectif qui met en scène une recherche sur la structure même d’un acte collectif qui s’oppose à toute esthétique d’un corps de ballet. Le collectif est une abstraction, l’individu dit sa vérité. Au French Cancan, l’individu n’est qu’un corps, et le spectacle naît de de la négation de la singularité.

Dans “La Levée des conflits”, plusieurs dizaines de personnes interprétaient le même solo, avec des décalages temporels les uns par rapport aux autres, pour brouiller les repères. Dans “Manger”, les quatorze danseurs conjuguent leurs solos dansés parallèlement à partir de la bouche qui au ballet ou dans les revues est condamnée à sourire. Ici, on mâche.

On mâche ses mots, on mastique les sons, on mord sa propre chair ou celle de l’autre. La métaphore de “Manger” est multiple et variable, une manière de demander ce que nous sommes, dans notre rapport à la nourriture, au corps, à l’autre, au langage, à nous-mêmes et au corps social.

Thomas Hahn

[Photos : Ursula Kaufmann]

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