Gilles Caron – Le conflit intérieur – Château de Tours
Le conflit intérieur
Photographies de Gilles Caron Du 21 juin 2014 au 2 novembre 2014 Entrée gratuite Château de Tours |
Du 21 juin 2014 au 2 novembre 2014
Mémoire visuelle d’une époque, Gilles Caron (1939-1970) a relaté par l’image la chronique des grands conflits contemporains (guerres des Six Jours, du Viêtnam, au Biafra et en Irlande du Nord, Mai 68, répression du Printemps de Prague…) Il finira par payer cet engagement de sa vie, lors d’un reportage au Cambodge. Mobilisé comme parachutiste lors de la guerre d’Algérie, témoin des brutalités infligées aux civils, il a cherché, en se lançant dans le photojournalisme, à passer de l’autre côté de la barrière pour faire comprendre la situation de populations prises dans l’engrenage de la guerre. Une expérience dont il ne ressortira pas apaisé moralement. Parti avec une vision héroïque de la photographie de guerre, Gilles Caron finira par s’interroger sur la finalité de son métier : peut-on se contenter d’un rôle de témoin, de spectateur? Il est l’un des premiers dans la profession à présenter les symptômes d’un conflit intérieur, d’une crise morale. L’un des premiers à pratiquer une forme d’introspection désillusionnée qui mène le reporter à retourner progressivement la caméra vers lui-même, devenir l’objet du récit photographique. Pendant la guerre des Six Jours et au Viêtnam, au début de sa carrière, son intérêt se porte sur des figures inactives — militaires ou prisonniers — absorbées dans leurs pensées, en train de lire, d’écrire ou de méditer. Pendant la guerre du Biafra, Caron se révèle très sensible à la condition des enfants et autres victimes. Lors de Mai 68 et en Irlande du Nord, il accorde beaucoup d’attention à ces acteurs emblématiques que sont les lanceurs de pavés ou de cocktails Molotov, incarnations de la guérilla urbaine. Son inventivité n’apparaît jamais mieux qu’à l’occasion des reportages réalisés dans les combats de rue, où son objectif transforme les manifestations en véritables chorégraphies. Reporter de guerre, régulièrement confronté à des situations extrêmes, Caron n’est pas pour autant indifférent au spectacle des sixties, à la Nouvelle Vague et à la jeune scène musicale. Il lui arrive de travailler comme photographe sur les plateaux de Godard ou de Truffaut et même comme photographe de mode. Ce détour par le cinéma et la mode peut sembler très différent du reste de son travail. Il n’est cependant pas sans laisser de traces dans son langage formel, comme en témoignent ses reportages des manifestations au Quartier latin ou en Ulster. L’exposition s’achève sur un portrait anti-héroïque du photoreporter. Cette conclusion, capitale pour l’histoire du photojournalisme, démontre que la conscience de Caron et d’autres photoreporters devient à la fin des années 1960 une conscience malheureuse. Culpabilité, narcissisme, parodie ou ironie… on ne sait plus vraiment quelle image ils se font finalement d’eux-mêmes. Parcours de l’exposition Regroupant 150 images et documents d’archives provenant de la Fondation Gilles Caron, de la collection du Musée de l’élysée et de collections privées, l’exposition propose un parcours en six temps permettant de redécouvrir l’un des plus importants photoreporters du XXe siècle : Héroïsme – La conscience de l’événement Surnommé le « Capa français » par Henri Cartier-Bresson, Caron offre sur les différents théâtres d’opération militaire des preuves de son audace et de ses qualités de reporter. Regard intérieur – L’Homme aux prises avec l’Histoire Cette partie illustre les choix récurrents de Caron pour des figures absorbées, fragilisées par l’événement : prisonniers militaires, victimes civiles, soldats représentés en train de réfléchir et de lire, en train de contempler et de guetter, soit pour une iconographie de l’inaction inédite. Douleurs des Autres – Figures et icônes compassionnelles Il s’agit ici de montrer la profonde sensibilité du photographe face à la douleur des autres. Le cas des enfants faméliques, la figure de l’enfance sacrifiée par les conflits marque le début d’une iconographie compassionnelle moderne. Révolte – Manifs et guérill as : l’icône du lanceur Dans ses portaits de révoltés (ouvriers, paysans, étudiants), Caron accorde une importance particulière à la figure du lanceur : David contre Goliath. Cette représentation des corps au combat s’offre comme une chorégraphie qu’il décline de Paris, en Mai 68 à Londonderry et à Prague. Nouvelle Vague – Passion de la jeunesse sixties Caron donne une représentation de la jeunesse qui passe aussi bien par les égéries sixties (les actrices, les chanteuses) que par la rue et les universités. De plus, il connaît l’expérience des reportages sur les tournages de Truffaut et Godard. La dernière image – Le reporter comme objet du reportage Après le Biafra et le Tchad, le doute s’installe. L’objectif de l’appareil se retourne vers le reporter et ses confrères. Les images de reportage documentent l’acte même du photoreporter. C’est un portrait en demi-teinte, anti-héroïque, que Caron nous livre du métier de photojournaliste. [ Visuels : Gilles Caron, Manifestations, Paris, mai 1968. Tirage d’époque, épreuve argentique. Collection Succession Gilles Caron ; Gilles Caron, Guerre du Viêtnam, combats sur la colline 875, Dak To, novembre-décembre 1967, Tirage d’époque, épreuve argentique, Collection Succession Gilles Caron ; Gilles Caron, Guerre du Biafra, villageois ramenant un proche défunt, juillet 1968, Tirage moderne d’après film positif couleur, Collection Fondation Gilles Caron; Gilles Caron, Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969, Tirage moderne d’après film positif couleur, Collection Fondation Gilles Caron ] |
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